L’homme ne devrait être ni crédule ni incrédule. La crédulité, sans esprit critique, rend dupe d’illusions et de mensonges.
L’incrédulité de parti pris renferme l’âme dans une coque de noix et l’aveugle. Dans un cas comme dans l’autre, il y a une sorte d’anémie de pensée, et l’on se demande comment l’être humain, dont l’essence est de penser, tombe en l’une ou l’autre de ces extrémités. Tel est, pourtant, le cas général.
Aucun problème, sans en excepter ceux de l’astronomie, n’est assurément plus important que celui de notre nature spirituelle. C’est toujours la fameuse question de Hamlet au cimetière : To be or not to be, être ou n’être pas ! Depuis l’apparition de l’homme sur la terre, les religions et les philosophies ont prétendu résoudre le problème, mais le sphinx à l’ironique sourire est resté muet, et l’humanité paraît s’être dans tous les temps partagée entre deux camps : ceux qui croient et ceux qui ne croient pas.
Depuis un demi-siècle pourtant, la science humaine, en s’élargissant, nous montre que les apparences extérieures sont trompeuses et que le monde visible n’est que l’enveloppe d’un monde invisible. La belle découverte de M. Roentgen, qui date d’hier, fait actuellement voir l’invisible. Le progrès philosophique de cette évolution de la science me paraît surpasser
encore le progrès purement scientifique. Nous avions une tendance à ne nous en rapporter qu’à nos yeux, à nos oreilles, à nos cinq pauvres sens. Et voilà que l’invisible nous apparaît.
Les progrès de la physique nous ont permis de constater l’existence des rayons infra-rouges et ultra-violets et de les mesurer, révélant ainsi un spectre solaire invisible vingt fois plus étendu que le spectre visible pour notre rétine. La photographie saisit maintenant au fond des espaces, des étoiles et des univers lointains absolument invisibles aux plus puissants télescopes. Le téléphone transporte électriquement des ondes sonores par une force et avec
une vitesse qui n’ont rien de commun avec l’acoustique. Le phonographe fixe les sons fugitifs de la parole. Ces découvertes, ces méthodes nouvelles, transforment absolument les idées vulgaires sur la nature, et elles nous invitent à l’analyse profonde des choses.
Naguère encore le mot de pressentiment paraissait synonyme d’illusion ou de coïncidence fortuite, l’observation des faits nous montre aujourd’hui que l’avenir peut être quelquefois vu avec précision, soit en rêve, soit en somnambulisme spontané ou provoqué, soit à l’état de veille. L’avenir, pense-t-on, n’existe pas. Est-ce bien sûr ? L’avenir est en germe dans le présent, il est la conséquence de ce qui le précède ; il n’y a pas d’effet sans cause ; celui qui connaîtrait les causes connaîtrait les effets. Ce qui arrivera ne peut pas ne pas arriver, puisqu’il est déterminé par des causes existantes. La volonté humaine, qui nous semble douée d’un certain libre arbitre, est une de ces causes ; elle non plus ne peut pas se décider pour le motif prépondérant. Actuellement, ce n’est point faire acte de crédulité que d’admettre la
réalité des pressentiments et de certaines prémonitions. Naguère encore aussi, les apparitions semblaient devoir être toutes rejetées sur le compte des hallucinations. Aujourd’hui, il convient d’être un peu moins intransigeant. Certaines personnes n’ont connu la mort d’un parent, d’un ami, que par une communication d’ordre psychique qui n’a emprunté, pour se transmettre, ni le service postal, ni le fil télégraphique.
Les phénomènes de télépathie dûment observés sont en assez grand nombre pour ne plus pouvoir être niés. Un être lointain peut se trouver auprès de nous au moment de sa mort et nous apparaître, et l’apparition peut être vue
de plusieurs témoins.
Il y a une quarantaine d’années, les tables tournantes ont fait verser des flots d’encre. Certains savants, d’ailleurs dignes d’estime, se sont imaginés les expliquer par des mouvements musculaires inconscients. D’autres les ont toutes attribuées à la supercherie des assistants.
L’observation attentive à fait des progrès. Des mouvements peuvent être produits par un très faible contact, et même sans contact du tout, par une force invisible émanée de l’être humain et qui paraît avoir quelque rapport avec l’électricité. On ne peut plus rejeter les faits sur le compte de l’aberration ou de la stupidité.
Sans entrer dans l’exposition des innombrables phénomènes appartenant au monde des forces psychiques invisibles, qu’il nous suffise d’ajouter que les manifestations de l’âme commencent seulement à être étudiées par la méthode expérimentale ; encore devons-nous constater que dans cet ordre de faits nous ne pouvons presque jamais expérimenter, mais seulement observer, ce qui réduit considérablement le champ d’études.
Et les conditions de la vie organique terrestre sont si grossières, que nous sommes à peu près dans la situation d’un homme qui aurait des observations astronomiques à faire dans un pays dont le ciel serait presque constamment couvert. Ces conditions d’exception sont d’autant plus regrettables que le problème de l’âme, qui est le même que celui de sa survivance, est, sans contredit, la plus intéressante et la plus importante des questions, puisqu’il s’agit là de nous-mêmes, de notre nature intime, de notre immortalité ou de notre anéantissement.
Nul ne peut contester que les religions n’ont pas, jusqu’à ce jour, donné satisfaction à nos espérances. Les études psychiques y parviendront-elles ? J’ai dit un jour, que la spiritualité n’est pas une religion mais une science. L’avenir fera peut-être que la science et la religion seront réunies en une seule synthèse. Etudions, observons, cherchons.

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