’il y a « fusion de plusieurs des âmes des minéraux et des végétaux pour former ensuite l’âme des animaux et, plus tard, celle de l’homme ? »
Oui, ce sont des parcelles qui, étant incomplètes, se joignent à d’autres parcelles qui les complètent, avant d’aller habiter le corps humain.
Faut il admettre qu’il y ait des créations successives ? Oui, 1a génération est sans fin. Il faut bien remplacer les âmes des végétaux à mesure que ces âmes deviennent animales. Qu’est ce que l’âme géologique ?
L’âme géologique est un composé d’atomes dont le groupement forme cette âme. Si on en extrait des parcelles, cela ne l’atteint pas dans son entier, mais cela fait évaporer un souffle animique qui, libéré de la matière, cherche à reprendre vie ailleurs, c’est-à-dire dans un corps plus approprié au travail qu’il a déjà accompli. La collectivité existe pour tout ce qui est attaché à la terre.
Les végétaux sont-ils aussi collectifs ?
Ils le sont encore un peu, mais ils s’acheminent vers la personnalité.
Ces âmes à incarnations multiples, ces âmes animant de véritables collections de créatures, ne se retrouvent donc pas jusque dans les règnes supérieurs ?
J’admets cette collectivité pour les minéraux et les végétaux, mais l’animal pense déjà et a une personnalité. Le castor, qui bâtit sa maison au bord d’une rivière et qui sait que cette rivière portera ses matériaux à l’endroit choisi, est bien une intelligence, et je mets en fait que chaque animal, depuis le poisson rouge, depuis l’insecte jusqu’au haut de l’échelle, a sa personnalité. A quoi servirait l’âme collective dont on vous parle ? A rien. L’instinct n’est pas autre chose que l’intelligence à un degré inférieur, et, si cette intelligence se transmet, elle n’a pas besoin d’âme collective pour agir. L’hirondelle frileuse possédant, comme tous les ailés, le sens de l’orientation, sent que, 1à-bas, les vents sont plus doux, et elle émigre, mais, comme une des premières manifestations de l’âme, c’est l’association, elle part avec ses compagnes ; elle sent déjà, dans sa petite âme rudimentaire, quelle ne peut affronter les dangers du voyage que grâce à un groupement, que les cris de toute cette compagnie volant en rangs serrés, éloigneront l’oiseau de proie prêt à fondre sur la victime, et voilà pourquoi les hirondelles se réunissent pour accomplir ces longs trajets. Mais elles ne sont pas seules à avoir cet instinct du groupement… voyez les abeilles, les fourmis, quelle admirable organisation est la leur ! C’est déjà une communauté régie par une supérieure à laquelle toutes obéissent, car elles sont instruites, par leur instinct, de ce qui s’impose, c’est-à-dire qu’aucun travail important ne peut être exécuté par un seul individu. Certes, l’animal domestique progresse plus vite, mais ce n’est pas l’homme, son éducateur, qui chasse une âme collective.., non, il cueillie simplement l’âme animale, et cherche à lui inculquer la pensée et la réflexion, ou seulement à développer ses moyens d’action qui existent à l’état rudimentaire et ne demandent qu’à s’épanouir. J’admets l’âme géologique et la grande âme végétale qui a de nombreux enfants, mais on ne peut nier qu’au moment où l’âme passe du règne végétal au règne animal, il y ait une transition énorme, car la fleur ou l’arbre devient ces fleurs sous-marines qui se meuvent par leur volonté. L’arbre ne se meut qu’avec le secours d’éléments étrangers à sa volonté, tels que le vent, la fleur ne s’ouvre que par l’action du soleil et non pas parce qu’elle fait un effort pour cela, tandis que l’anémone de mer replie ses pétales ou les rouvre à volonté. En somme, dès que la personnalité s’éveille, il n’y a plus d’âme collective.
Je demande ce qui détermine le changement d’espèce chez un animal ?C’est un instinct qui réclame ce dont il va avoir besoin. Qu’est-ce, au juste, que l’instinct ?
L’instinct est une intelligence mise dans un certain moule et qui revêtira toujours la forme prise. Ce moule est le cerveau de l’animal dans lequel on met une sorte d’intelligence inconsciente qui doit agir dans un sens déterminé pour les besoins de la vie qu’il vient accomplir. Mais il y a instinct et instinct. L’instinct d’un insecte, par exemple, reçoit cette impulsion et la suit, pour ainsi dire, bêtement. A mesure que l’animal se perfectionne, il y a beaucoup plus de conscience dans cet instinct, et il se rapproche de l’intelligence. Tout est le résultat de l’évolution. Moins l’être incarné est évolué, moins il se sert de son embryon de cerveau pour développer ce qu’il a déjà en lui-même. Au contraire, plus il est évolué, plus son esprit cherche à apporter sa conscience dans l’acte qui lui est propre et dans ses décisions qui, peu à peu, perdent leur caractère instinctif pour revêtir le caractère intellectuel.
Il n’est donc pas vrai que l’animal ne possède que l’instinct qui le dirige, mais pas l’intelligence ?
L’intelligence est le développement de l’instinct ; c’est une phase du progrès, et elle existe chez les animaux qui sont près de l’humanité. Le trait d’union entre la bête et l’homme semble être le sauvage ou le paysan très rétrograde qui, même sur son visage, porte encore la trace de l’animalité. Il y avait autrefois des traits d’union entre l’homme et l’animal, mais les animaux étant beaucoup plus intelligents à présent qu’autrefois, se rapprochant beaucoup plus de l’homme, le trait d’union a disparu.
La phase humaine constitue-t-elle, vraiment, dans la création, « le degré le plus bas de l’involution, et le point de départ de l’évolution rédemptrice ? »
Il est vrai que les premières formes de vie, ressentant très peu la domination matérielle qui s’exerce par la volonté et le désir, sont des phases moins mauvaises que la terrible époque de transition qui consiste à passer de l’animal à l’humanité. C’est quand l’âme arrive à l’humanité que la responsabilité commence.
Est-elle plus avancée à ce moment quand elle vient d’un chien ou d’un animal bon que d’un autre ?
Non, du tout. Cela dépend de la mentalité et non de l’espèce de l’animal, car un chien n’est pas forcément bon ou méchant. Un animal n’est pas forcément méchant parce qu’il tue pour dévorer ; l’homme lui-même ne fait pas autre chose. Un animal est bon ou méchant suivant qu’il obéit ou non aux lois naturelles, c’est-à-dire à la sollicitude pour sa progéniture et ses semblables, et à la reconnaissance envers ceux qui lui font du bien. Mais l’animal étant bon, souvent l’homme rudimentaire est bestial et méchant, parce qu’il revient avec sa mentalité de bête, augmentée du pouvoir de la volonté, de la liberté, et de la conception d’une intelligence qui s’éveille. IL se sent trop libre, trop puissant, et en abuse. Toute époque de transition peut paraître une involution, en réalité ce n’en est point une: c’est un nouveau schéma destiné à perfectionner l’âme beaucoup plus que ne le permettrait la forme abandonnée. Ce sont des muscles puissants qui ne savent encore qu’étrangler, mais qui apprendront à plier leur force pour le service de l’humanité fraternelle et le progrès de la planète. C’est une force terrible qui naît comme un torrent fougueux, mais qui, une fois endigué, servira à féconder la terre.
Peut-on aussi considérer notre époque « comme une époque de transition, et tous les méfaits des bandits actuels sont-ils le symptôme d’un progrès futur ? »
Ce n’est pas, à vrai dire, un symptôme, mais ce qui cause ces infamies, c’est le progrès lui-même. Si les bandits se dérobent, c’est grâce aux automobiles, s’ils se défendent si bien, c’est grâce à ce que les armes sont perfectionnées, etc., etc. En somme, cela vient du considérable progrès qui s’effectue de plus en plus rapidement, au point qu’un siècle voit naître plus de découvertes que les vingt siècles qui l’ont précédé réunis. C’est donc un affolement qui accompagne toutes ces découvertes. Cependant, grâce à elles, on peut arriver à faire beaucoup de bien, de charités, à améliorer considérablement le sort humain donc, de ce schéma doit sortir une société plus parfaite que celle d’avant les nouvelles découvertes, mais il faut que cette société se bâtisse sur ce nouveau plan. La facilité avec laquelle on fait le mal peut être comparée à une première incarnation humaine et à l’ivresse du pouvoir qui l’accompagne, ivresse qui tourne en brutalité et méchanceté, mais qui doit arriver à se transformer par la seule loi du progrès sans fin. Tout point de départ doit mener à la perfections à une perfection variée autant que les natures mêmes auxquelles elle s’adresse, mais 1’oeuvre du grand Tout étant parfaite dans son ensemble, rien ne saurait être une ombre permanente au tableau grandiose des perfections accumulées. Savoir attendre est le seul conseil que les humains aient à recevoir de nous ; plus tard, ils comprendront, lorsque la grande porte qui se sera refermée sur leur tombe, leur livrera l’entrée de celle qui masque l’infini.



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