Si, d’après la sagesse de Salomon, il est vrai qu’il « n’y a rien de nouveau sous le soleil », comme on le dit constamment, il est tout aussi vrai que les idées se rénovent ou s’enrichissent en fonction des contingences du temps. Comment pourrait-il y avoir du progrès, si la pensée restait paralysée à travers le temps ? Il n’y aurait aucune créativité. Les innovations et les rectifications font partie du cours naturel de l’expérience humaine, dans tous les sens du terme. À chaque époque, comme en chaque conjoncture sociale ou culturelle, surgissent de nouvelles techniques, de nouveaux moyens d’action, et ainsi de suite.
En quoi est-ce une originalité absolue ?… Bien que la pensée soit antique, dirons-nous, il apparaît constamment de nouvelles lumières, de nouveaux angles, différentes formes de présentation et de discussions. En pratique, voilà ce qui se vérifie finalement : de nombreuses idées antiques, des idées contenues dans les subtilités des contextes datant des siècles reculés, peu importe qui fut le premier à l’exprimer, réapparaissent sous la forme d’expressions nouvelles, parce qu’elles sont revêtues d’autres façons de parler ou se placent au milieu des schémas actuels. Au fond, donc, le fil central de la pensée vient de très loin. Si l’on doit reconnaître que l’originalité est relative, on ne doit toutefois pas rejeter la capacité créatrice de l’intelligence humaine.
Certains enseignements perdurent dans le temps et dans l’espace. Ils ont traversé les siècles et restes toujours actuels, en dépit de toutes les innovations engendrées par les besoins humains. La pensée des grands personnages de l’Humanité n’est pas morte dans « les archives du passé ». Certains d’entre eux, avant Jésus, Moïse, etc. ont prévu l’avenir et ont laissé des messages effectivement immortels. À son tour, le message chrétien continue, depuis deux millénaires, à fournir une réponse dans les moments les plus décisifs, nonobstant l’irruption de la nouveauté qui nous pousse dans « l’engrenage technologique » d’aujourd’hui.
Sur ce point, la spiritualité nous offre spécifiquement des motifs de réflexions : Où est écrite la loi de Dieu ? Réponse : Dans la conscience.
À la lecture de tout le contexte, on peut voir que la spiritualité souligne la prépondérance de la loi morale, qui ne se confond pas avec les concepts de morale, sujets à des changements périodiques. Dans l’entendement spirite, la loi morale préside aux actes de notre conscience. C’est une position subjective, pourrait-on objecter. Mais la loi morale, à la différence de la loi écrite, n’est pas subordonnée aux limitations du temps et de l’espace.
La loi écrite a un sens historique et, pour cette raison même, change à chaque époque, à mesure que se modifient les coutumes, les façons de voir la vie, les modèles sociaux, etc. À mesure que la loi morale persiste, justement parce que son instance est invisible, qu’elle n’est pas liée à l’espace social ou géographique, parce qu’elle se situe dans le for intérieur, inhérente à une responsabilité inaliénable.
La loi humaine atteint certaines fautes et les punit ; le condamné peut donc se dire qu’il subit la conséquence de ce qu’il a fait ; mais la loi n’atteint pas et ne peut atteindre toutes les fautes ; elle frappe plus spécialement celles qui portent préjudice à la société, et non celles qui ne nuisent qu’à ceux qui les commettent. Mais Dieu veut le progrès de toutes ses créatures ; c’est pourquoi il ne laisse impunie aucune déviation du droit chemin ; il n’est pas une seule faute, quelque légère qu’elle soit, pas une seule infraction à sa loi, qui n’ait des conséquences forcées et inévitables plus ou moins fâcheuses ; d’où il suit que, dans les petites choses comme dans les grandes, l’homme est toujours puni par où il a péché. » (J’ai souligné le terme « toujours », car il doit être clair que personne ne peut échapper à la loi. Tôt ou tard chacun souffrira les conséquences de ses actes, même cachés.)
La loi écrite produit des effets extérieurs, et c’est la raison pour laquelle : la loi n’atteint pas et ne peut atteindre toutes les fautes. Il y a des fautes qui portent réellement préjudice au groupe, ou qui sont dommageables à la société toute entière. La loi écrite atteint l’individu justement sur cette question de la culpabilité, sans pour autant toucher le for intérieur, faute de pouvoir pénétrer dans la conscience. Si la loi humaine punit l’individu pour ses actes ou pour le préjudice qu’il cause à des tiers, ce qui délimite naturellement son champ correctif, la loi morale se concentre foncièrement au niveau des intentions.
Il est vrai que la loi humaine, reflet des besoins sociaux, identifie l’intention dolosive au travers d’attitudes contradictoires, voire même derrière les masques de la mauvaise foi. Mais ces mécanismes de discernement ne permettent pas de parvenir à la racine des dits projets. Celui qui enfreint les lois morales se condamne dans sa conscience.
Voici un exemple concret qui permettra de comprendre cette question. Lorsque l’individu ne fait que songer à tuer quelqu’un, ou à commettre un autre crime, mais que son intention n’est pas mise en œuvre, étant donné que personne ne sait ce qu’il pensait, il est évident qu’il ne pourra souffrir d’aucune punition, et ce parce que la loi écrite intervient en fonction de faits concrets. L’individu voulait tuer, mais il n’a pas tué. Vraisemblablement, il n’y aura pas de poursuites pénales dans la mesure où nul ne peut démasquer ses intentions intimes. Mais, la loi morale responsabilise cet individu du fait de ses intentions, même occultes. Le fait de ne pas tuer ne l’exempte pas de sa culpabilité devant la loi morale, parce qu’il aura eu le désir, la prétention du crime. Dès lors, au moment où il pense pratiquer un délit, où il pense commettre le mal, il enfreint la loi morale. C’est pourquoi, la doctrine spirite avertit clairement : nous sommes responsables de nos pensées devant Dieu, qui les connaît.
Si, par artifice ou subornation, l’individu fautif peut échapper à la justice des hommes, il ne peut toutefois pas échapper à la loi morale, où qu’il soit, quoi qu’il fasse : la conscience ne dort pas ! C’est là une question bien plus ancienne qu’il n’y paraît.
L’idée de primauté de la loi morale, encore discutée de nos jours, prouve qu’il existe des principes qui résistent à toutes les situations, des principes qui ne vieillissent pas, des principes qui ne s’émoussent pas… Au XVIIIème siècle, parmi les amateurs de philosophie et du droit, il fut beaucoup débattu du problème de l’éthique et du droit. D’après un juriste philosophe : « Les devoirs moraux appartiennent à la sphère du for intérieur, à l’intention, en ultime analyse, alors que les devoirs juridiques correspondent exclusivement à l’extériorité des actions. » C’est la même idée que la Doctrine spirite soutient, nonobstant des contextes différents.
La pensée spirite cible exactement la conscience de la responsabilité, qui a des répercussions incalculables sur le cours de la vie, car à chaque nouvelle expérience réincarnatoire, l’être humain porte une part du passé. Ainsi, certains problèmes actuels, comme les états de stress ou de dépression, peuvent être des conséquences d’empoisonnements mentaux (il n’y a pas d’autres termes) engendrés par les pensées de haine ou par le désir de détruire quelqu’un, même si de telles pensées ne sont révélées à quiconque ! Toutefois, de telles pensées restent inscrites au sein de l’esprit, au travers de clichés, qui ne disparaissent qu’au travers d’une réforme intime et qui, parfois, requiert plus d’une incarnation pour parvenir à ce que l’amour se substitue à la haine.
L’individu pourra affirmer qu’il n’a fait de mal à personne, qu’il n’a nullement blessé, ni porté préjudice. Oui, il n’aura pratiqué aucun acte mais aura désiré détruire, blesser par la pensée, projetant par là même des vibrations maladives. Et il ne s’en est pas repenti. Il a, dès lors, emporté de l’autre côté de la vie toute la charge négative qui l’accompagnait. Habilement, parfois même en se cachant sous le masque de la piété, il a su occulter ses intentions dangereuses. Mais tout a été gravé, rien ne s’est perdu. Plus tard, lors d’expériences réincarnatoires, il souffrira de maladies non diagnostiquées ou de problèmes de santé inexplicables, apparaissant comme étant de véritables tortures du monde intérieur. Ce sont des effets inévitables.
De nombreux cas de répulsion ou d’inimitié, sans motif apparent, s’examinent à la lumière de cela. Heureusement, la sagesse divine, avec miséricorde et justice, offre des opportunités de réajustement et de vie en commun au travers de la réincarnation, afin que s’éteignent à la fin les résidus de vengeance, de jalousie, et d’orgueil.
Les lumières de la spiritualité, qui nous offre une vision globale de l’homme, face au monde et face à la justice divine, ont des incidences dans le domaine juridique ! Au final, de l’enseignement spirite, il nous reste une leçon de vie : la leçon selon laquelle respecter les lois humaines est un devoir civique, au-delà d’être une nécessité sociale. Mais, s’agissant de la suprême loi morale, qui s’inscrit dans la conscience, elle est une affirmation du respect de Dieu lui-même, le créateur de la vie.

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